Accro au porno – que faire?

accro au porno

Je suis accro au porno. Que puis-je faire? Nous recevons cette question par courriel environ 2 fois par semaine.

L’addiction au porno n’est pas une invention pour faire vendre des journaux. C’est une réalité, une maladie partagée par des millions d’hommes dans le monde, des plus jeunes aux plus âgés.

Être accro au porno entraîne désocialisation et tendance à la dépression; mais aussi de nombreux problèmes sexuels, en particulier des problèmes d’érection.

Accro au porno : génération XXX

Dans les années 80-90, pour regarder du porno quand on était mineur il fallait déployer des trésors de créativité. On se passait des VHS sous le manteau et on se retrouvait en groupe pour profiter de ce Graal acquis de haute lutte.

Les adultes qui voulaient regarder du porno devaient, eux, passer dans la partie X du vidéo club, puis affronter le loueur. Et même avec l’arrivée de Canal + ce n’est pas avec le porno mensuel du samedi soir qu’on risquait l’overdose.

Et puis au milieu des années 2000 c’est la révolution : Internet ouvre les vannes du porno gratuit et bouleverse les habitudes sexuelles.

À lui tout seul le site Youporn est responsable de 2% du trafic internet mondial. Selon un sondage Ifop, s’ils n’étaient que 17% en 2005, les Français de plus de 18 ans étaient 60% à avoir déjà visité un site porno sur internet en 2014. (1)

Et si le site avait pris en compte un échantillon représentatif de la population à partir de 12 ans on peut être certains que les chiffres auraient été plus importants.

Le porno en ligne est particulièrement consommé par des mineurs depuis son explosion. L’effet de la consommation de porno précoce est ravageur pour la sexualité, même à l’âge adulte.

En effet, le centre de la récompense qui se trouve dans le cerveau est mature à l’adolescence; mais le cortex pré-frontal, qui est la partie du cerveau capable de réguler les pulsions n’est pas mature avant l’âge de 25 ans environ. Les jeunes garçons ne sont pas programmés pour freiner leurs pulsions; c’est pourquoi il leur est si facile de devenir accro au porno.

Une sexualité abimée et la dysfonction érectile

Le porno est la drogue la plus facile à se procurer; gratuitement et 24h sur 24h sans bouger de chez soi. Les dégâts sont dramatiques :

Alors qu’il était à l’origine fait pour les troubles de l’érection dus à l’âge; le viagra est de plus en plus utilisé par des hommes de moins de trente ans à la sexualité perturbée par leur consommation de porno.

Lors d’une étude anglaise sur le sujet, 60% des jeunes hommes qui avouaient être accro au porno en ligne reconnaissaient avoir des problèmes de libido ou d’érection dans la vraie vie, mais pas devant les images porno.(2)

QUELQUES CONSÉQUENCES DE L’ADDICTION AU PORNO :

  • Problèmes d’érection (voir absence totale d’érection)
  • Manque de désir pour les partenaires sexuels dans la vraie vie
  • Désensibilisation aux stimulus sexuels réels
  • Pratiques sexuelles extrêmes
  • Désocialisation
  • Perte d’emploi
  • Dépression

Comment l’addiction au porno rend impuissant

Pour comprendre le rapport entre le porno et les troubles de l’érection il faut s’intéresser au fameux circuit de la récompense.

Ce circuit de la récompense c’est ce qui fait que nous reproduisons un comportement parce qu’il a généré du plaisir. Le sexe et la nourriture, qui sont des besoins vitaux (c’est à dire nécessaires à la reproduction de l’espèce) génèrent naturellement du plaisir.

Normalement, le cerveau est capable de savoir quand il a eu « assez » de plaisir.

Mais le circuit de la récompense peut se détraquer et la reproduction du comportement qui nous a fait du bien (stimulus) devient un besoin impératif. C’est le phénomène de l’addiction et il fonctionne de la même façon pour tout : drogue, alcool, jeu, et …porno.

Recherche sur le porno en ligne:

Des chercheurs berlinois ont analysé le cerveau de 64 hommes qui regardaient régulièrement du porno en ligne. (3) Les résultats sont frappants : les hommes qui sont accro au porno ont un rétrécissement d’une région du cerveau appelée « noyau caudé ». Cette zone du cerveau est impliquée dans le mécanisme de renforcement qui nous pousse à répéter une expérience agréable (manger, faire l’amour, faire du sport…).

Dans le cas des gros consommateurs de porno; le rétrécissement de cette zone du cerveau serait la conséquence d’une désensibilisation progressive. Le fait de regarder trop de porno désensibilise et pousse à en regarder plus ou du plus extrême.

Autre découverte inquiétante des chercheurs allemands; les connections neuronales entre le noyau caudé et le cortex frontal sont également atrophiées.

Ces connexions sont liées à notre capacité à agir par choix volontaire,;par exemple à réfréner une envie subite parce que ce n’est ni le lieu ni le moment. Lorsque les connections sont atrophiées, les sujets sont en « mode automatique »; ils ne peuvent pas faire autrement que d’obéir à leurs pulsions.

La masturbation et l’impuissance sont donc liées dans ce cas puisque les stimulations dans la vraie vie n’ont plus d’effet. En d’autres termes : on bande encore devant son écran;, mais plus devant une vraie femme nue dans son lit.

Une seule solution pour l’addiction au porno, la déconnexion

Les chercheurs anglo-saxons en particulier s’intéressent désormais au sujet; notamment via des expériences sur le cerveau. Et les Anglais ont lancé une campagne pour lutter contre l’accès au porno par les enfants.

Mais la médecine est encore assez impuissante devant un phénomène aussi massif que nouveau. La solution pour protéger ses connexions neuronales, c’est la déconnexion.

D’ailleurs des groupes d’addicts s’organisent.Aux États Unis; une communauté d’internautes s’est constituée. NoFap regroupe des hommes (en majorité) qui ont décidé d’arrêter de se masturber devant du porno en ligne.

La communauté NoFap a réalisé un sondage parmi ses membres en 2012 dont les conclusions sont édifiantes mais porteuses d’espoir. (4)

LE CONSTAT
  • La majorité des accros au porno qui veulent décrocher ont commencé à regarder du porno très jeunes : 53% entre 12 et 14 ans, 16% avant l’âge de 12 ans !
  • Ceux qui ont commencé à regarder du porno avant 10 ans étaient trois fois plus susceptibles de se masturber plus de 4 fois par jour.
  • 59% d’entre eux regardaient de 4 à 15 heures de porno par semaine avant de décrocher.
  • 64% des membres de la communauté reconnaissent que leurs goûts en matière de porno sont devenus de plus en plus extrêmes, voire déviants.

Quant aux effets de l’addiction au porno sur leur vie sexuelle et la dysfonction érectile, voyez plutôt :

  • 29% ont une baisse de la sensibilité
  • 23% des dysfonctions érectiles
  • 22% une difficulté à atteindre l’orgasme
  • 19% un désintérêt pour leur partenaire sexuelle
  • 11% un problème d’éjaculation précoce

Bonne nouvelle : la désintoxication semble avoir des effets rapides

  • 60% des membres de la communauté affirment que leurs problèmes de dysfonctions érectiles et autres problèmes sexuels avaient disparu une fois l’arrêt de la masturbation devant du porno.
Attention:

Un tiers ont ressenti un pic de désir et d’énergie sexuelle au bout d’une à deux semaines d’abstinence. Ils sont à peu près autant à avoir ressenti une baisse de leur libido dans les 2 à 6 semaines qui ont suivi le début de l’abstinence. Ces phénomènes sont normaux et ne durent pas (si vous avez déjà essayé d’arrêter de fumer vous savez que les symptômes du sevrage sont désagréables mais passagers).

Se déconnecter du porno en ligne est donc la première étape obligatoire pour sortir de l’addiction. Une abstinence totale de masturbation pendant quelques semaines est également importante pour briser le cercle vicieux.

Étape suivante : (ré)apprendre à fantasmer sur la réalité

On ne va pas arrêter de se masturber à vie. La masturbation peut être bonne pour la santé sexuelle; à condition de ne pas être compulsive.

Il va falloir se réhabituer à la masturbation les yeux fermés. Remettre son imagination en marche est indispensable pour retrouver une sexualité épanouie. Il faut réapprendre à fantasmer sur une inconnue croisée dans la rue; refaire ses propres scénarios perso.

Une fois au lit avec une vraie femme, rester dans l’instant présent; se souvenir que la sexualité n’est pas une question de performance et ne pas essayer de reproduire ce qu’on a vu sur internet.Vous essayez souvent de refaire dans la vraie vie ce que vous voyez sur les écrans ?

Vous partez souvent à la chasse aux zombies ? Non. Alors pourquoi traiter votre partenaire comme une actrice porno (à moins qu’elle ne vous le demande)?

Pour finir, on vous conseille fortement de visionner le film Don Jon. Ce portrait d’une jeune addict au porno; dresse un constat aussi cruel que drôle sur le sujet; tout en proposant une solution très efficace grâce à la (toujours sexy) Julianne Moore (essayez d’oublier le terme “mature”).

References:

Crédit photo : Rafiq Sarlie CC BY-ND 2.

  1. Les goûts et les usages des français en matière de pornographie… enquête sur la consommation de films X sur Internet. Ifop 2014 pour Tukif.com
  2. Neural Correlates of Sexual Cue Reactivity in Individuals with and without Compulsive Sexual Behaviours. Plos one, 2014.
  3. Brain Structure and Functional Connectivity Associated With Pornography Consumption. JAMA Psychiatry, 2014.
  4. The Nofap Experiment: A Voyage Through Porn Addiction, Support, And Recovery.